Qu’est-ce qu’un accident de la vie courante (AcVC) ?
« Les accidents de la vie courante sont des traumatismes non intentionnels qui se répartissent usuellement selon le lieu ou l’activité :
- les accidents domestiques, se produisant à la maison ou dans ses abords immédiats : jardin, cour, garage et autres dépendances,
- les accidents scolaires, incluant les accidents survenant lors du trajet, durant les heures d’éducation physique et dans les locaux scolaires, de la crèche à l’enseignement supérieur,
- les accidents de sport ou de vacances, et les accidents de loisirs,
- les accidents survenant à l’extérieur : dans un magasin, sur un trottoir, à proximité du domicile.
Sont exclus : les accidents du travail, les accidents de la circulation, les accidents causés par des éléments naturels, les suicides et les agressions qui ne sont pas considérés comme des accidents. »*1.
La Direction Générale de la Santé dénombre chaque année entre 10 et 12 millions d’accidents de la vie courante. Ces accidents nécessitent 4,5 millions de recours aux urgences, sont à l’origine de 500 000 hospitalisations et provoquent environ 20 000 décès*2.
Si notre système de santé prend en charge les soins qui découlent de cette vaste sinistralité, la question plus large de l’indemnisation des victimes se pose.
Dans quels cas les dommages corporels issus d’un accident de la vie courante seront-ils indemnisés ? Qui peut y prétendre et dans quels contextes ? Quels organismes doit-on solliciter pour prétendre à indemnisation ?
En 2 articles de notre blog, celui-ci et le prochain à paraître, nous nous efforçons de dresser un panorama synthétique de l’indemnisation des préjudices nés des accidents de la vie courante (hors indemnisation via un fonds d’indemnisation) et mettons en relief ce qu’il faut savoir sur le sujet.
Avec ou sans tiers responsable
Les conditions et les modalités d’indemnisation sont très différentes selon que l’on est capable de désigner un tiers responsable ou non. Ainsi, pour appréhender l’indemnisation des victimes d’accidents de la vie courante, nous considèrerons les deux cas, celui où l’on peut identifier un tiers responsable puis celui on l’on ne le peut pas.
Le présent article sera consacré à l’indemnisation des victimes d’accident de la vie courante provoqué par un tiers et nous examinerons, dans notre prochain article (fin octobre), les conditions de l’indemnisation des victimes d’accidents pour lesquels il n’y a pas de tiers responsable.
Accident de la vie courante avec tiers responsable
Le principe de base est le suivant : les accidents de la vie courante provoqués par un tiers responsable permettent de réclamer une indemnisation des dommages corporels et autres préjudices au titre de sa couverture en responsabilité civile.
Enoncer ce principe de base ne suffit malheureusement pas et il faut y regarder de plus près en se posant les questions suivantes :
Le tiers responsable est-il couvert par une assurance en responsabilité civile ?
Toutes les assurances habitation (propriétaires et locataires ont l’obligation d’y souscrire) incluent des garanties en responsabilité civile qui couvrent tant le souscripteur, son conjoint, leurs enfants mineurs et généralement leur famille hébergée dans l’habitation (descendants et ascendants). Certaines assurances contractées pour des motifs divers comportent également une couverture en responsabilité civile (assurances auto, assurances liées à une carte de crédit, …). Enfin, des couvertures en responsabilité civile existent en tant que telles et sont souscrites indépendamment de toute autre, c’est notamment le cas des « personnes morales » (entreprises, associations, magasins, …) qui sont tenues de se couvrir avec une garantie spécifique.
Si la plupart des personnes sont couvertes en responsabilité civile, reste que certaines personnes, par indigence ou par ignorance, ne le sont pas. Dans l’hypothèse où le tiers responsable d’un accident serait dans cette situation, aucune indemnisation ne pourra être perçue à ce titre.
Qui est le tiers responsable et quel est son niveau de connexion avec la victime ?
Il va de soi que l’on ne peut pas faire jouer sa propre responsabilité civile pour un accident dont on est soi-même responsable (la notion de « tiers » désigne expressément un autre que soi). D’autres personnes de l’entourage de la victime ne peuvent être désignées en tant que tel :
- C’est le cas de ses enfants mineurs ou vivant au même domicile qu’elle,
- Il en va de même des parents et grands-parents habitant sous le même toit que la victime,
- C’est enfin le cas des employés de maison de la victime (ménage, jardinage, garde d’enfants…) qui se seraient rendus responsables d’un accident pendant leurs heures de travail.
Les tiers qui n’appartiennent pas à l’une de ces 3 catégories pourront être considérées comme tiers responsables.
Il convient en tout état de cause de se reporter au contrat d’assurance qui, dans ses conditions générales, détaille les personnes assurées (qui eux seuls seront couverts par la RC) et les tiers au contrat.
Peut-on toujours faire valoir la responsabilité du tiers (que l’on considère responsable) dans la survenance d’un accident de la vie courante ?
La réponse à cette question est (évidemment) variable selon les cas :
- Il est des accidents où la responsabilité du tiers est claire. Par exemple, une personne se fait mordre par le chien de Monsieur X. Monsieur X est indiscutablement le tiers responsable de l’accident. Autre cas, un pot de fleur tombe de chez Madame Y sur une personne, on considèrera que Madame Y est le tiers responsable.
- Dans d’autres cas, la responsabilité du tiers n’est pas aussi évidente et peut donner lieu à discussion voire à interprétation. Une personne est malencontreusement bousculée par une autre dans la rue et se blesse. Dans un tel contexte, deux hypothèses :
- La personne qui a bousculé la victime reconnait qu’elle est responsable et l’on pourra aisément faire jouer sa responsabilité civile,
- La personne conteste qu’elle soit à l’origine de la chute. On pourra alors porter cette question devant les tribunaux où il faudra démontrer la responsabilité du « bousculeur », ce qui ne sera pas toujours facile.
Enfin dernier point qu’il faut considérer, la notion de tiers responsable sous-entend qu’une faute (non intentionnelle) a été commise.
Une personne qui tomberait dans l’escalier d’un domicile (autre que le sien) ou d’un magasin ne peut pas invoquer un tiers responsable si l’escalier était normalement praticable. En revanche, imaginons que l’escalier en question ait été plongé dans l’obscurité parce que l’ampoule défectueuse qui l’éclairait n’avait pas été changée, la notion de tiers responsable pourra alors être invoquée.
L’indemnisation au titre de la responsabilité civile est le plus souvent soumise à des plafonds très élevés ce qui permet d’envisager l’indemnisation de tous les préjudices subis.
Les victimes d’accident de la vie courante avec tiers pourront se faire décemment indemniser lorsqu’on aura pu clairement identifier celui-ci.
La difficulté de ce type d’indemnisation réside souvent dans cette identification. Les tiers responsables redoutent que la reconnaissance de leur responsabilité induise une responsabilité pénale… Or celle-ci ne pourrait être invoquée que si le responsable a commis une faute intentionnelle.
Il est à noter que l’assureur RC n’est pas tenu par les dires de son assuré. Il peut décider de conduire une enquête pour vérifier si la responsabilité de son client est bien engagée. Il pourrait refuser l’indemnisation quand bien même son assuré attesterait de sa faute. Dans ce cas, le recours à l’option judiciaire est possible pour faire trancher le litige par le juge compétent.
Dans les cas où il n’y a pas de tiers responsable ou que l’on ne puisse l’identifier, il faudra alors rechercher une indemnisation sans tiers responsable, sujet qui fera l’objet de notre prochain article.
*1 Ministère de la Santé et des Solidarités http://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/risques-de-la-vie-courante/article/accidents-de-la-vie-courante
*2 Ministère de la Santé et des Solidarités http://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/risques-de-la-vie-courante/article/les-chiffres-cles