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Imputation de la créance des tiers payeurs sur le DFP – Clap de fin I Ecce Experts

Les tiers payeurs, c’est à dire les organismes qui interviennent pour maintenir le niveau de revenu des personnes en arrêt maladie (Sécurité sociale, employeur, organismes de prévoyance, …), peuvent, dans certains contextes d’accident corporel, obtenir auprès de l’assureur du tiers responsable, le remboursement des prestations qu’ils ont versées.

Les règles qui déterminent ce qui pourra être remboursé de ce qui ne peut pas l’être obéissent à des lois qui ont été ajustées par une récente jurisprudence. Celle-ci a enterriné la fin de l’imputation de la créance des tiers payeurs sur le poste d’indemnisation du Déficit Fonctionnel Permanent. Cette évolution a récemment fait date et a modifié certains paramètres de l’indemnisation du préjudice corporel pour les victimes d’accidents.

Qu’est-ce que le déficit fonctionnel permanent ?

Parmi les postes indemnisés au titre de la nomenclature Dintilhac, on trouve le poste du Déficit fonctionnel permanent dit « DFP ».

Ce poste a vocation à indemniser:  « un préjudice extra-patrimonial découlant d’une incapacité́ constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime. 

Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité́ de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation ».

Ainsi, ce poste de préjudice est constitué de 3 composantes :

  • les séquelles physiques ou psychologiques en lien direct et certain avec l’accident indemnisable,
  • les souffrances post-consolidation,
  • les troubles dans les conditions d’existence, c’est-à-dire la perte de qualité de vie post-consolidation.

Le recours « subrogatoire » des tiers payeurs

Les tiers payeurs correspondent aux organismes ayant versé des prestations à la victime comme son employeur (en cas de maintien de salaire par exemple), la sécurité sociale, les caisses de prévoyance ou complémentaire de santé.

Le tiers payeur va notamment intervenir pour compenser les pertes de salaires de la personne victime d’un dommage corporel en versant des indemnités journalières ou des rentes d’accident du travail ou de pensions d’invalidité.

Il va également pouvoir intervenir pour prendre en charge des frais médicaux, d’hospitalisation, pharmaceutiques….

Or, en présence d’un tiers responsable, ces tiers payeurs bénéficient d’un recours subrogatoire à l’encontre des responsables et de son assureur.

Il va ainsi pouvoir se faire rembourser tous les frais qu’il a pu engager et qui sont en lien avec l’accident en cause.

L’assiette du recours des tiers payeurs

La loi de décembre 2006 prévoit que le recours des tiers payeurs doit se faire poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exception des préjudices à caractère personnel.

Jusqu’à cet arrêt d’Assemblée plénière du 23 janvier 2023, le tiers payeur pouvait recouvrir les dépenses engagées au titre des rentes accident du travail et les pensions d’invalidité sur 3 postes de préjudices dans l’ordre ci-dessous établi :

  • pertes de gains professionnels futurs
  • incidence professionnel
  • déficit fonctionnel permanent.

Cette solution pouvait paraître surprenante dans la mesure où les rentes AT et les pensions d’invalidité n’avaient pas vocation à indemniser les composantes du déficit fonctionnel permanent pourtant, tel était le droit positif.

Pension d’invalidité et rente Accident du travail, à quoi cela correspond ?

En cas d’accident du travail et en cas d’une incapacité permanente au moins égale à 10% déterminé par la sécurité sociale, la victime peut prétendre au versement d’une rente par l’organisme social.

Cette rente est calculée sur la base du salaire perçu par le travailleur au cours des 12 derniers mois précédant l’arrêt de travail.

Le taux d’incapacité est quant à lui déterminé en fonction de la « la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité » (L. 434-2 al.1er Code de la Sécurité sociale).

Ainsi, seul des critères professionnels sont pris en compte pour calculer cette rente. Elle pouvait néanmoins venir s’imputer sur un préjudice à caractère extra-patrimonial.

Il en va de même pour la pension d’invalidité qui sert à indemniser les pertes de revenus subies par une personne dont la capacité de travail se trouve réduite de 2/3.

De la même manière que pour la rente, en cas d’accident impliquant un tiers responsable, cette pension d’invalidité pouvait venir s’imputer sur le poste de DFP notamment s’il n’existait pas de PGPF (Perte de Gains Professionnels Futurs) ou d’incidence professionnelle.

 Vers une évolution jurisprudentielle favorable à la victime

Par deux arrêts de 2023, la Cour de cassation reconnait enfin que la rente AT et la pension d’invalidité ont vocation à indemniser les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle.

Elle reconnait également que le déficit fonctionnel permanent n’a pas vocation à réparer des composantes professionnelles mais reste un poste de préjudice à caractère personnel.

Cette décision favorable aux victimes permet de préserver les droits de celles-ci à une indemnisation de leur préjudice au titre de leur DFP.